ECHEC DES DEUX QPC PORTÉES PAR LE CABINET SUR L’ARTICULATION DES DÉLAIS DE PLAINTE DE L’ADMINISTRATION FISCALE ET DE PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE
Pour rappel, l’article L. 230 du Livre des procédures fiscales (LPF) dispose, dans sa version en vigueur issue de la loi du 6 décembre 2013, que « les plaintes peuvent être déposées jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle au cours de laquelle l’infraction a été commise. »
De même, l’article 8 du Code de procédure pénale (CPP) dans sa version antérieure à la Loi n°2017-242 du 27 février 2017, dispose :
« En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues ; … »
La modification opérée par la loi du 6 décembre 2013 a été présentée comme un allongement du délai de prescription des infractions fiscales.
Cette modification pouvait entraîner un risque de confusion qui tiendrait au fait que l’analyse des travaux parlementaires ne permettrait pas de déterminer si le législateur a entendu porter à six années uniquement le délai dans lequel l’administration fiscale peut déposer plainte ou aussi le délai de prescription de l’action publique.
Pour l’un de nos clients, poursuivi pour des faits de fraude fiscale au titre d’exercices clos en 2011, 2012 et 2013, MOSSÉ & ASSOCIÉS avait saisi la Cour de cassation (dans le cadre d’un pourvoi en cassation) et le Conseil d’Etat (dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir) d’une QPC rédigée dans des termes similaires :
« L’article L. 230 du Livre des procédures fiscales, dans sa version issue de l’article 53 de la Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, en ce qu’il ne précise pas si l’allongement du délai (de trois à six ans) concerne à la fois le délai de plainte de l’Administration fiscale et le délai de prescription de l’action publique, porte-t-il atteinte au principe de nécessité des peines, protégé par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 reprise dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, à la garantie des droits, proclamée par l’article 16 de la même déclaration ainsi qu’aux principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique ? »
La 1ère QPC a fait l’objet d’un non-lieu à renvoi devant le Conseil constitutionnel par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 12 avril 2022 (N Z 21-86.494 F-D).
Dans leur décision, les juges de la Chambre criminelle ont estimé que la question posée ne présentait pas un caractère sérieux dès lors que « les dispositions critiquées ne portent aucune atteinte au principe de nécessité des peines, de la légalité et de la séparation des pouvoirs, ni à celui de clarté de la loi que la Constitution garantit » et qu’il résultait « clairement des dispositions de l’article L. 230 du LPF, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, que le délai porté de trois à six ans est celui dont dispose l’administration fiscale pour déposer plainte, délai qui ne modifie pas celui de la prescription de l’action publique du délit de fraude fiscale. »
La 2nde QPC a également fait l’objet d’un non-lieu à transmission par la 8ème Chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat.
Les juges du Palais-Royal ont jugé, dans un arrêt en date du 28 avril 2022 (n°462093), « qu’il résultait des dispositions critiquées, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation, que la prescription du délit de fraude fiscale prévue par l’article 1741 du CGI n’est acquise qu’à l’expiration du délai imparti par l’article L. 230 du LPF à l’administration fiscale pour déposer plainte. »
Ils ont donc décidé que « les règles fixées par le législateur aux articles 1741 du CGI et L. 230 du LPF sont dénuées de toute ambiguïté et prévoient que la prescription du délit de fraude fiscale mentionné à l’article 1741 du CGI n’est acquise qu’à l’expiration du délai de six ans dont dispose l’administration fiscale pour déposer plainte. »

Ces deux décisions mettent un point final à un moyen qui était soulevé devant les juridictions pénales, tiré de la prescription de l’action publique.
L’ambiguïté qui pouvait résulter de l’articulation entre le délai de plainte (dont dispose l’Administration fiscale) et le délai de prescription de l’action publique est désormais levée au détriment du justiciable mais, ne dit-on pas que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ?